Gestes (16)


Après le beau concert de Homayun Sakhi, je suis retombé sur un numéro de National Geographic consacré à l’Afghanistan. Quel contraste entre le barbouillage de couleurs sur la scène de l’Espace Senghor et la monochromie bistrée des photos du magazine !

Comment se déroulent les concerts là-bas ? Y en a-t-il encore ? De toute évidence, le musicien et son accompagnateur au tabla (dont le nom n’a pas été prononcé) sont familiers des scènes de concert occidentales, comme en témoignent notamment la grandiloquence appuyée des mouvements de tête du joueur de rebab, ainsi que le grand nombre de Jawal Sawab (dialogue par imitation entre instrument soliste et tabla).
J’ai entendu que la mise en place de cette tournée avait été laborieuse, tant Homayun Sakhi est sollicité en tant que musicien professionnel aux Etats-Unis où il vit, et où il vient d’ailleurs d’enregistrer avec le quatuor Kronos. Belle consécration.

Je ne sais pas s’il faut se réjouir de constater qu’un concert de musique afghane attire une centaine de personnes à Bruxelles ou s’il faut au contraire déplorer qu’il n’en attire pas plus. J’ignore si le quatuor Kronos s’est jamais produit à Bruxelles, mais ce serait probablement dans une bien plus grande salle.

Chaque fois que je revois un rebab, ce qui me frappe au moment où l’instrument quitte le giron du musicien quand celui-ci cesse de jouer, c’est à quel point cet instrument est beaucoup plus profond que ne le laisse imaginer sa façade étroite. Cette sensation de lourdeur monolithique m’a frappé lorsque j’ai essayé de prendre en main un sarod. L’instrument est si lourd et si encombrant qu’il vous échappe des mains !
Ce n’est pas pour rien qu’en organologie on range ces instruments dans la famille des luths à manche court, par opposition au sitar par exemple qui appartient à la famille de luths à manche long.
Quand il évoque l’histoire et les origines de son instrument, Buddhadev Dasgupta ne manque jamais d’insister sur cette caractéristique physique du sarod, fait d’une seule pièce de bois, introduit en Inde, selon lui, par des mercenaires afghans à cheval. Un instrument à manche long construit à partir d’une calebasse n’aurait jamais résisté aux cahots du voyage.

A la fois le profil triangulaire et la robustesse du rebab me font inévitablement penser aux incassables noix du Brésil, dont je viens de découvrir grâce à la photo ci-dessus, qu’elles ne poussaient pas telles quelles au bout des branches, mais qu’elles étaient elles-mêmes réunies dans des coques apparemment épaisses et dures.

En regardant le joueur de rebab, je suis frappé par l’angle improbable formé par sa main droite qui tient le plectre au bout d’un bras presque tendu. Sur la photo ci-contre le musicien est au repos et l’angle est donc moins aigu que pendant qu’il joue. Je suppose que cette position favorise l’attaque bidirectionnelle des cordes par le bas. C’est beau et sans doute efficace pour le maniement ultra-rapide du plectre, mais bonjour les tendinites et les douleurs articulaires !

Le geste existe également chez les joueurs de sarod, mais il est un peu moins marqué. L’air de famille entre la musique de rebab et la musique de sarod est plus qu’évident. On peut se demander dans quelle mesure d’ailleurs le jeu du rebab moderne tel que le pratique Homayun Sakhi n’a pas été enrichi par les techniques du sarod.

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2 Responses to “Gestes (16)”

  1. kerbacho écrit :

    Homayun Sakhi reviendrait bientôt, mais j’ignore quand, au Théâtre de la Ville, avec… le quatuor Kronos !
    http://kronosquartet.org/concerts/indiv.php?season=2008/2009&id=391

  2. blessed écrit :

    Excellente nouvelle!

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